Allocution à l’Université Laval en réponse à Mgr Parent, recteur de l’université - 20 avril 1960

Dans les quelques mots que je vais avoir l’honneur de prononcer, le premier sera pour remercier le Séminaire et l’Université du magnifique accueil qu’ils me font. Je ne manquerai pas, dans ce salut, de confondre Mgr l’Archevêque1, que j’avais l’honneur déjà de connaître de toutes les façons, Mgr le Recteur aussi, qui vient de parler d’une manière si noble et pour moi si émouvante, et également les élèves, et même les plus jeunes du Séminaire (...)

Cela dit, laissez-moi vous exprimer la très profonde émotion que je ressens à me trouver dans les murs de l’université Laval, la plus ancienne d’Amérique du Nord. Il se trouve qu’elle fut, qu’elle est restée, qu’elle restera une université française.  De toutes les raisons que je puis avoir d’être ému à me trouver ici, l’une des principales, c’est celle de constater que, quoi qu’il soit arrivé dans l’histoire, la flamme, l’esprit, l’âme de la France, dont parlait tout à l’heure Mgr Parent, ont vécu, ont brûlé ici et continuent de le faire.

Il est essentiel que la pensée française, non seulement subsiste, mais qu’elle s’épanouisse dans le monde, où que ce soit. Cela est essentiel, bien sûr, pour ce que nous représentons tous ensemble, où que nous soyons, nous autres qui pensons, qui parlons, qui sentons français, et c’est nécessaire pour le monde. Un grand combat y est engagé, mais l’univers en a vu d’autres. Il voit aujourd’hui celui-ci : c’est le combat entre l’esprit et la matière, car, en définitive, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Dans le camp de l’esprit, la pensée française joue un rôle essentiel. Il n’est qu’à songer à tous ceux qui, depuis des siècles, l’ont épousée et l’ont exprimée, à ceux qui aujourd’hui encore l’expriment, et à songer à ceux qui demain – et sans doute sont-ils sur ces bancs, pour un certain nombre -- l’exprimeront à leur tour. Il n’est que de songer à ce rôle pour comprendre à quel point la vie et le développement de la pensée française sont indispensables au maintien de l’univers libre. Heureux donc, nous qui voulons qu’ils vivent, c’est une raison aussi pour laquelle je salue votre université.

Mais pour que la vie française persiste et pour qu’elle se développe, il ne suffit pas que chacun de son côté cherche à l’enfermer dans des murs. Il faut qu’entre tous les établissements, tous les foyers de cette pensée qui existent sur la terre, s’établissent et se maintiennent des rapports étroits, et je vous félicite et je vous remercie d’entretenir pour votre part ces rapports-là, en particulier avec le foyer principal, celui qui brûle en France. Toutes les fois qu’entre la France et vous, ou réciproquement, s’établit un échange d’idées, un échange d’hommes, ou un échange de valeurs, un service est rendu à ce à quoi il faut le rendre, c’est-à-dire à la pérennité de ce que nous sommes.

Je veux encore une fois, et ici en particulier, dire à quel point je suis saisi, depuis les quelques heures que je me trouve au Canada, d’une immense réalité plus vivante et plus généreuse que jamais, qui s’est maintenue ici, à travers quels drames, je ne l’ignore pas, et qui, cependant, a triomphé. Cette réalité, c’est l’esprit, l’esprit de la France.

Vive l’Université Laval,
Vive le Séminaire de Québec,
Vive la France.

Source : L’Action catholique, 21 avril 1960.