Le 24 juillet 1967, le général de Gaulle apprenait non seulement au monde l’existence du peuple québécois, mais de son désir d’indépendance, à travers son incroyable «Vive le Québec libre!». D’un coup, le peuple québécois était propulsé sur la scène internationale. Le Canada avait cent ans et une de ses deux nations fondatrices voulait en sortir. Non seulement le fait français n’était pas résiduel au Canada mais il s’exprimait à travers une nation en quête d’émancipation politique.
La phrase a eu de l’écho au point où même aujourd’hui, lorsqu’on raconte l’histoire du gaullisme, elle trouve une place exemplaire. On y voit le signe de l’attachement du général de Gaulle à la liberté des peuples et son désir de ne pas voir ces derniers écrasés par l’affrontement entre les deux blocs qui a suivi la deuxième guerre mondiale. Le «Vive le Québec libre!» représente une page importante de l’histoire du XXe siècle. Encore aujourd’hui, à travers le monde, c’est en bonne partie à cause de la célèbre phrase du général de Gaulle qu’on sait qu’il y a un mouvement souverainiste québécois et qu’on s’attend à ce qu’un jour, le Québec devienne un pays. Québec libre : pour certains, ces deux mots sont inséparables.
Pour les Québécois, cet événement historique ne saurait être oublié. Il marque une étape majeure dans l’affirmation nationale des années 1960, d’autant qu’il s’inscrit dans un contexte plus large de projection internationale du Québec, dans lequel la France a joué un grand rôle. On se souvient de l’immense mobilisation populaire le long du chemin du Roy, qui a dépassé toutes les attentes imaginables. Plusieurs y ont vu, avec raison, le signe le plus manifeste du désir de libération qui remuait le Québec de part en part à ce moment et que les Québécois voulaient faire connaître au monde entier.
Ceux qui aujourd’hui, veulent réduire la Révolution tranquille à un simple mouvement de modernisation sociale et culturelle butent sur cet événement qui confirme et consacre la dimension nationale du grand réveil de 1960. On ne peut, en méditant sur le «Vive le Québec libre!», que comprendre à quel point le désir d’émancipation nationale vient des profondeurs les plus intimes du peuple québécois. Il se pourrait bien qu’un jour, on juge de l’histoire du Québec à la lumière de l’accomplissement ou non de cette quasi-prophétie politique singulière. La visite du général de Gaulle au Québec décloisonnait le peuple québécois et conjuguait son histoire particulière et l’histoire universelle.
En 2017, ce sera l’occasion de commémorer les 50 ans de cette déclaration majeure et de réfléchir non seulement à l’état actuel de l’idéal d’un Québec libre mais aussi à l’état actuel de la relation franco-québécoise. On ne saurait passer sous silence cet anniversaire exceptionnel sans relativiser du même coup son message. On ne saurait banaliser l’événement sans nous condamner à ne rien comprendre aux grandes passions politiques qui ont animé le peuple québécois depuis qu’il a entrepris de se donner une pleine existence politique. Commémorer le «Vive le Québec libre!», c’est inscrire l’aspiration à l’indépendance dans l’histoire longue et dans le grand contexte mondial. C’est dans cet esprit que les nationalistes québécois pourront et devront, cette année, rappeler que ce cri de ralliement historique demeure d’une pertinence immense, pour comprendre le parcours de notre peuple et son destin.