Allocution au Château Frontenac en réponse au premier ministre du Québec - 20 avril 1960

Vous avez parlé très bien, je veux dire noblement, et d’une manière émouvante. De cela, je vous remercie. À travers vous, je remercie Québec de tout ce qu’elle m’a apporté pendant mon passage rapide, de réconfort, de raisons d’admiration, et de raisons d’espérance.

J’ai vu dans votre grande ville, et j’ai imaginé dans la province qui l’entoure, ce qu’on peut appeler une grande réussite. Une grande réussite économique, sans aucun doute, mais aussi, une grande réussite humaine, une grande réussite au point de vue des rapports entre ceux qui l’habitent. Il y a chez vous, et cela frappe, une sérénité, un équilibre, une sorte de satisfaction de sa tâche et ce contact avec les autres qui frappe aussitôt celui qui vient parmi vous; c’est une grande réussite française. De cela, au nom de la France, c’est-à-dire de toutes sortes de gens, qui font ce pays-là, qui ont fait le nôtre et qui étaient français, permettez-moi de dire au nom de nos pères : je vous remercie.

Si vous n’aviez pas réussi ce que vous avez fait, c’est encore un membre qui aurait été arraché à la chose française. Comme vous avez triomphé, et que vous êtes, je le constate, chez vous, eh! bien c’est un fleuron que vous avez ajouté à la couronne de ce qui est notre chose à tous, la chose française.

En échange de cela, je voudrais vous dire que la France pense à vous. Je crois même pouvoir ajouter qu’elle y pense autant, sinon plus, que jamais. Elle a traversé de grandes épreuves. À l’instant même, Monsieur le Premier Ministre, vous avez dit avec quelle sympathie profonde et exceptionnelle vous les aviez suivies, et ces épreuves elle les a traversées et je crois bien qu’elle les a surmontées. Elle se trouve maintenant être un pays qui monte, un pays qui redevient grand de toutes les manières; cela aussi, c’est une sorte de miracle français.

Je tiens à vous le dire parce que je le crois et parce que je suis sûr qu’en vous le disant, je touche vos esprits et vos cœurs très profondément. Nous pouvons avoir confiance dans l’avenir de ce que nous sommes les uns et les autres, même si l’histoire et la géographie nous ont quelque peu séparés, nous nous retrouvons. Et la preuve en a été faite il n’y a pas bien longtemps : chaque fois qu’une grande cause est la nôtre – car nos grandes causes sont les mêmes – vous, les Canadiens français, nous, les Français, il en est ainsi, aujourd’hui même. Car le grand débat du monde, celui qui est actuellement engagé, et celui que la France soutient pour sa part, que votre pays soutient pour la sienne, dans ce grand débat, nous servons la même cause et nous la servons de la même façon, dans le même esprit, avec le même cœur et avec les mêmes paroles. Vous pouvez dire, vous aussi, en pensant à la France : « le pays d’où je viens. »

Je tiens à vous dire, en terminant, combien j’ai été touché, non pas seulement par les leçons que j’ai retirées de ma visite, mais encore par tous les témoignages qui m’ont été apportés durant ces quelques heures et, surtout, celui que vous m’apportez ce soir. Je suis heureux et honoré de me trouver au milieu de l’élite de Québec, et je remercie Monsieur le Premier Ministre de son accueil. Je tiens à ajouter à ces remerciements ceux que j’adresse à Madame Barrette, qui, elle aussi, nous a reçus. Je ne voudrais pas oublier Son Excellence le lieutenant-gouverneur, non plus que Madame Gagnon, et je ne manquerai pas de citer le nom de Mgr Roy qui m’a accueilli tout à l’heure si magnifiquement.

L’homme qui vous parle emporte, je vous assure, un réconfort très utile dans la tâche dont il est chargé. C’est pourquoi de toute mon âme et très sincèrement, je dis pour terminer mon entretien avec Québec : Vive le Canada, Vive Québec, Vive la France.

Source : L’Action catholique, 21 avril 1960.